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Porto #5

Après une nuit mouvementée – merci aux voisins qui avaient décidé de transformer leur appartement en boîte de nuit – je me réveille avec une surprise peu agréable : la salle de bain est inondée. D’abord, je crois que ce sont les toilettes qui débordent, mais très vite, je réalise que c’est toute la pièce qui est recouverte d’eau. Aucune explication logique ne me vient, si ce n’est peut-être les fortes pluies des derniers jours qui auraient causé une fuite depuis l’étage supérieur. Mystère… mais heureusement, après un bon quart d’heure à essuyer, tout rentre dans l’ordre. Depuis, plus aucune trace d’inondation.

Malgré ce départ chaotique, l’excitation reprend vite le dessus : aujourd’hui, nous avons un cours de cuisine pour apprendre à faire les pastéis de nata ! Pas question d’être en retard, surtout après les nombreux messages de l’hôte nous indiquant que cinq minutes de retard suffiraient à nous refuser l’entrée. Autant dire qu’on joue la prudence et qu’on part avec dix minutes d’avance, avalant un petit-déjeuner rapide avec ce qu’il nous reste dans le frigo. Finalement, cette précaution nous permet aussi de profiter d’une belle promenade matinale dans Porto, ce qui ne gâche rien.

Sur place, nous sommes accueillis par deux hôtes dynamiques et pleins d’humour. Le groupe est composé de cinq étudiantes venues de Pennsylvanie (selon Dom, l’une d’elles ressemblait à Ariana Grande, je tiens à retranscrire cette information capitale), une voyageuse solo, et deux filles des Pays-Bas. Ce qui me frappe d’emblée, c’est le haut niveau d’anglais de tout le monde. Une petite pression au moment des présentations, mais finalement, l’ambiance est décontractée et je réalise vite qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter.

Le cours en lui-même est un mélange entre apprentissage, anecdotes et blagues. Dom, étant le seul garçon du groupe, devient rapidement la cible des plaisanteries des hôtes, qui annoncent d’entrée que toute erreur commise sera forcément de sa faute. Moi, ce genre d’humour me plaît bien. Entre deux éclats de rire, nous apprenons les différentes étapes de la fabrication des pastéis de nata : de la pâte feuilletée roulée à la crème onctueuse qui caramélise au four. Chacun met la main à la pâte, un verre de vin à la main pour accompagner le tout.

Enfin, vient le moment tant attendu de la dégustation. Nos pastéis sont réussis, bien dorés et parfumés, même si j’aurais aimé une pâte un peu plus croustillante. Pour parfaire l’expérience, nous avons droit à un café et un peu de cannelle pour saupoudrer nos créations, comme le font souvent les Portugais.

Encart culturel

Le Pastel de Nata, une icône portugaise

Le pastel de nata est sans doute l’une des pâtisseries les plus emblématiques du Portugal. Son origine remonte au XVIIIe siècle, lorsque les moines du monastère des Hiéronymites, à Belém, utilisaient du jaune d’œuf pour créer des douceurs, tandis que le blanc servait à amidonner les habits religieux. Pour ne pas gaspiller, ils ont perfectionné une recette de tartelette à la crème, qui est devenue le pastel de nata tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Après la fermeture des monastères en 1834, la recette a été transmise à la Pastéis de Belém, une pâtisserie de Lisbonne qui en détient encore aujourd’hui la version « originale », tenue secrète. Depuis, le pastel de nata s’est démocratisé et est devenu un incontournable des cafés et boulangeries du pays.

Les Portugais l’apprécient souvent au petit-déjeuner ou en milieu de matinée, accompagné d’un café serré, l’expresso portugais souvent appelé « bica » à Lisbonne. Il est aussi courant d’en prendre un en guise de goûter, saupoudré de cannelle ou de sucre glace selon les goûts. Aujourd’hui, cette petite douceur a conquis le monde et se retrouve dans de nombreuses villes aux influences portugaises, du Brésil à Macao, en passant par l’Angola et même le Luxembourg.

Si la version industrielle est répandue, rien ne vaut un pastel de nata artisanal, préparé à la main, avec une pâte feuilletée bien croustillante et une crème onctueuse légèrement caramélisée sur le dessus.

Après notre atelier pâtisserie, nous avons profité d’une promenade le long du Douro, admirant les façades colorées de Porto et l’ambiance paisible des quais. C’est là que nous avons repéré un tout petit restaurant, devant lequel une file d’attente s’était formée. Curieux, nous avons regardé les avis et découvert que ce lieu, nommé Voltaria, était très bien noté et ouvert uniquement deux jours par semaine, jusqu’à 16h. Autant dire que c’était une occasion à ne pas rater.

Stratégie en tête, je décide de revenir à 15h, en me disant qu’à cette heure-là, qui d’autre qu’un passionné de nourriture viendrait manger ? Bingo. À notre arrivée, personne dans la file. À quelques secondes près, une autre cliente se place derrière nous. Nous attendons sous la pluie pendant 15 minutes avant d’entrer dans le minuscule établissement : cinq tables seulement, et des tabourets aussi petits qu’une grande azulejo.

L’intérieur est simple et chaleureux, comme à la maison. Sur notre table, je remarque ce qui fait office de nappe : un napperon en dentelle crocheté, du genre qu’on retrouve souvent chez les grands-mères. (Note à moi-même : ChatGPT, trouve le vrai nom de ce type de napperon !)

La serveuse nous accueille avec un air un peu froid, mais je suspecte plutôt une barrière de la langue. Et en effet, au fil du repas, elle se révèle chaleureuse et attentionnée.

Un festin inoubliable

Nous commençons notre repas par de la joue de porc, qui se révèle être incroyablement bonne. C’est tendre, fondant, parfumé… un vrai régal. Ensuite, nous goûtons à l’incontournable croquette de Bacalhau (excellente) et à un plat moins connu : le Tentúgal de Alheira, une surprise gustative. Pour accompagner ces mets, nous choisissons un verre de vin blanc Alquimista, issu de la région de Porto & Douro.

En plat principal, nous décidons de tester la Francesinha, un classique de la cuisine populaire portugaise. De mon côté, je ne peux pas résister à l’appel du poulpe et de la morue, un choix qui s’avère absolument parfait.

Enfin, nous terminons en partageant un Leite Crème, un dessert à mi-chemin entre la crème brûlée et la crème catalane, douce et réconfortante.

Voltaria, qui signifie « y revenir », porte décidément bien son nom : après cette expérience, l’envie de revenir est bien là.

Pause cosy, fin de journée sous la pluie

Repus et ravis, nous quittons Voltaria en saluant chaleureusement l’équipe qui nous a servi. À peine avons-nous franchi la porte qu’une pluie torrentielle s’abat sur nous. Décidément, la météo portugaise semble avoir un certain sens du timing pendant ce voyage…

Nous nous hâtons à travers les ruelles détrempées et nous réfugions dans un magasin de gadgets, repéré plus tôt dans la journée. Parmi les trouvailles, j’achète un jeu de cartes conçu pour lancer des conversations profondes, un concept qui me plaît bien.

Quatre pas et demi après avoir quitté la boutique (oui, on a compté), nous tombons sur un café qui semble être l’abri parfait : Say Cheesecake! & Co. | Specialty Coffee – Brunch Porto (oui, le nom est un peu long, on est d’accord). L’intérieur est chaleureux et bien décoré, avec une architecture qui donne l’impression d’être entre deux bâtiments. En levant les yeux, intrigués par le bruit de la pluie, nous réalisons que le toit est en verre, offrant une vue directe sur le ciel gris. Boire un café chaud en écoutant la pluie tomber au-dessus de nous, tout en étant bien au sec, est une sensation incroyablement apaisante.

Lorsque la pluie se calme enfin, nous regagnons notre appartement, où nous passons une partie de la soirée à écrire nos articles et raconter notre quotidien de voyageurs. Une dernière tasse de thé maison vient clore cette belle journée, avant que nous allions nous coucher, prêts pour une nouvelle aventure le lendemain.

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